RSI: QUEL AVENIR?

Publié le par L' équipe du blog.

Les indépendants vont-ils faire sauter le monopole du RSI?

Par Ludwig Gallet publié le 22/12/2014

Un jugement du Tribunal de grande instance de Nice remettrait en cause l'existence légale du Régime social des indépendants. Plus que jamais, ses détracteurs revendiquent le droit de s'affilier à une caisse privée.

Les Libérés de la sécu revendiquent le droit de s'affilier à un organisme privé, après un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 11 décembre dernier.

Le Régime social des indépendants serait "dépourvu de base légale", à en croire certains messages circulant sur internet. Sur Twitter, par exemple, certains n'hésitent pas à en appeler à quitter le RSI, de même que les appels à la dissolution de la caisse sont relayés par le biais d'une pétition. Le mouvement des "Libérés", le MLPS (mouvement pour la liberté de la protection sociale), très actif sur les réseaux sociaux, jubile. Il revendique une victoire décisive contre le RSI, ouvrant la voie à la levée du monopole actuellement en vigueur.

Tous se fondent sur un jugement du tribunal de grande instance de Nice, rendu le 11 décembre dernier. Jugement qui conteste la "qualité pour agir" du RSI. Derrière ce jargon juridique, cette décision remettrait en cause les fondements de notre système de protection sociale. Le RSI, dans un communiqué publié le 18 décembre, défend sa qualité de régime légal, obligeant les travailleurs indépendants à s'affilier à la caisse.

Qu'a décidé le TGI de Nice?

L'affaire en question porte sur une action lancée par l'association MLPS contre la caisse des indépendants. Elle lui reproche d'avoir envoyé des huissiers de justice à une réunion d'information de l'association le 21 juin dernier. Le MLPS, par la voie de son président Claude Reichman, organise en effet régulièrement des réunions dans différentes villes, pour convaincre les indépendants de la possibilité de quitter le RSI, en se fondant principalement sur la jurisprudence européenne.

Les huissiers devaient alors constater des messages incitant les participants "à se désaffilier des régimes obligatoires de sécurité sociale". Pour le MLPS, cette visite enfreint un certain nombre de libertés fondamentales (liberté de réunion, droit au respect de la vie privée et la liberté d'expression). Elle avait pourtant été autorisée par le TGI de Nice le 17 juin dernier. C'est finalement le même tribunal, six mois plus tard, qui a contesté la légalité des agissements du RSI. C'est dire à quel point le sujet divise.

Si les libérés se prévalent d'une victoire décisive, c'est que le TGI de Nice s'est reposé sur l'incapacité de la caisse à justifier d'une inscription au Conseil supérieur de la mutualité. Autrement dit, les juges considèrent ni plus ni moins le RSI comme un organisme de mutuelle à part entière. Pour parvenir à ce raisonnement, ils se basent sur un arrêt de la cour d'appel de Limoges du 10 octobre dernier. Un cotisant au RSI contestait alors une procédure lancée à son encontre par la caisse pour obtenir le versement de cotisations. Là encore, les juges réclamaient à la caisse des indépendants qu'elle justifie de son immatriculation au registre des mutuelles, pour prouver (déjà) sa "capacité à agir".

Le RSI, régime légal ou simple mutuelle?

Voilà tout l'objet du débat. Si l'on considère le RSI comme une mutuelle, il se trouve régi par le code de la mutualité. Or, ces organismes sont concernés par plusieurs textes européens destinés à accroître la concurrence dans le secteur. Citons ainsi deux directives de 1992, transposées en droit français en 2001. Ces deux textes coordonnent les dispositions nationales portant sur l'assurance directe sur la vie. Il est ainsi écrit dans l'article 3 que "les États membres prennent toutes les dispositions pour que les monopoles concernant l'accès à l'activité de certaines branches d'assurances (...) disparaissent au plus tard le 1er janvier "1994".

Ce texte précise bien que les dispositions ne s'appliquent pas pour les régimes légaux de sécurité sociale. Mais avec leur interprétation, les juges du fond ouvrent une boite de Pandore à même de bouleverser le modèle social à la française.

Le RSI maintient sa version

De son côté, le RSI n'a pas l'intention de laisser croire à la levée du monopole dont il jouit depuis sa création en 2006. Dans un communiqué de presse, la caisse fait savoir qu'elle fait appel du jugement du Tribunal de grande instance de Nice. Elle ajoute ne pas être liée par les dispositions du code des mutuelles, étant régie par le code de la sécurité sociale, en tant que régime légal. Et le RSI de se prévaloir de plusieurs décisions de justice favorables ces dernières années. Mais encore, il cite des avis rendus par la commission d'accès aux documents administratifs (Cada), les 2 et 16 octobre dernier. Des cotisants réclamaient en effet l'accès à l'immatriculation du RSI au registre des mutuelles. La commission n'a pas donné suite, puisque "le document n'existe pas dans la mesure où le régime social des indépendants (...) n'est pas une mutuelle et n'est pas soumis à l'obligation d'immatriculation prévue par les dispositions du code de la mutualité".

Les "Libérés" s'exposent à de lourdes sanctions

Face à ces considérations, les indépendants désireux de s'affranchir de leur caisse doivent se montrer très prudents. Car si les juges du fond sont divisés, les décisions citées plus haut ne concernent pour le moment que les seules parties au jugement. Les cotisants peuvent toujours faire valoir le raisonnement défendu par le TGI de Nice ou la Cour d'appel de Limoges en cas de conflit. Mais il est évident que seul un pourvoi en cassation ou, bien plus décisif encore, une saisine de la CJUE permettront d'y voir enfin plus clair. Il faut insister sur le fait que la Cour de cassation a considéré en 2007 que le régime des travailleurs non-salariés des professions non agricoles constituait bien un régime légal obligatoire. Toute décision contraire à l'égard du RSI constituerait un revirement de jurisprudence.

Pour un cotisant, il apparaît donc risqué de s'affranchir du paiement des cotisations ou de rejoindre une caisse privée. C'est d'autant plus vrai que le gouvernement, dans le cadre du PLFSS 2015, a renforcé les sanctions à l'encontre des personnes persistant à ne pas engager les démarches en vue de (leur) affiliation obligatoire. Elles s'exposent dans ce cas à une peine de six mois d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Pour les personnes incitant à quitter le régime légal de la sécurité sociale, les sanctions s'élèvent cette fois à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Les Libérés sont prévenus.


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C
Bonne réussite dans tout ce que vous entreprenez! L’essentiel est de toujours avancer et de dépasser les contraintes!
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